Quels frais peut-on faire payer par sa société ? Petit guide pour entrepreneur

En tant qu’entrepreneur, vous vous êtes probablement déjà demandé : « Quels frais puis-je passer en charge dans ma société ? » Que ce soit pour une montre de luxe, une voiture de sport, un billet d’avion pour un voyage lointain ou encore des cadeaux clients, les possibilités semblent vastes. Pourtant, il existe des règles strictes à respecter pour éviter des sanctions fiscales ou sociales. Dans cet article, nous allons explorer en détail les frais déductibles, les limites légales, les risques encourus et les bonnes pratiques pour optimiser vos dépenses professionnelles.

Pourquoi déduire des frais via votre société ? Un avantage financier évident

Déduire des frais par le biais de votre société présente un avantage financier considérable. Lorsque vous réalisez une dépense à titre personnel (voir aussi notre articles sur les avantages en nature des présidents de SAS), elle est grevée par plusieurs couches fiscales et sociales : TVA, charges sociales et impôt sur le revenu. Par exemple, pour dépenser 100 € net en tant que particulier, votre entreprise doit souvent générer entre 130 € et 280 € pour couvrir ces coûts additionnels.

À l’inverse, lorsque la société prend directement en charge une dépense professionnelle, le coût réel pour l’entreprise est limité à 100 Euros. La différence est donc très significative. Cependant, pour que ces dépenses soient acceptées comme fiscalement déductibles, elles doivent impérativement respecter trois critères essentiels :

  • L’intérêt de l’activité : La dépense doit être engagée pour les besoins réels de l’entreprise ;
  • Une gestion normale : Les montants doivent être cohérents avec le chiffre d’affaires et la taille de l’entreprise ;
  • Un justificatif valide : Chaque dépense doit être appuyée par une facture en bonne et due forme.

Ne pas respecter ces critères expose l’entreprise à des risques de redressement fiscal ou d’abus de biens sociaux.

Les règles légales : ce que dit la loi sur les dépenses déductibles

La législation française encadre de manière précise les dépenses professionnelles déductibles. Voici les grands principes :

1. Les dépenses autorisées par la loi

Les dépenses professionnelles déductibles répondent à un cadre légal précis, établi principalement par le Code Général des Impôts (CGI) et validé par la jurisprudence fiscale. Pour qu’une dépense soit considérée comme déductible, elle doit impérativement respecter trois critères fondamentaux :

Les dépenses engagées dans l’intérêt de l’activité professionnelle

  • La dépense doit être effectuée dans l’intérêt direct ou indirect de l’entreprise, et contribuer de manière explicite à son fonctionnement, son développement ou son maintien ;
  • L’intérêt de l’activité est généralement validé si la dépense vise à augmenter le chiffre d’affaires, fidéliser des clients, entretenir le matériel nécessaire, ou développer les compétences des salariés;
  • Ce critère est encadré par l’Article 39-1 du Code Général des Impôts (CGI), qui stipule que seules les dépenses « engagées dans l’intérêt direct de l’exploitation » sont déductibles.

Exemple : Un repas avec un client pour finaliser une négociation commerciale est justifiable, tandis qu’un repas personnel ne l’est pas.

Les dépenses correspondent à une gestion normale de l’entreprise

  • Les dépenses doivent être proportionnées aux revenus et à la taille de l’entreprise. Une dépense excessive par rapport au chiffre d’affaires ou déconnectée de l’activité principale risque d’être considérée comme anormale.
  • Une dépense jugée disproportionnée par l’administration fiscale peut être réintégrée dans le bénéfice imposable de l’entreprise.
  • Selon la jurisprudence fiscale et l’Article 39-1 du CGI, une dépense est considérée comme anormale si elle ne respecte pas un rapport raisonnable entre le montant dépensé et l’objectif poursuivi.

Exemple : Pour une entreprise générant 20 000 € de chiffre d’affaires annuel, une dépense de 15 000 € pour un séminaire d’entreprise pourrait être jugée comme une gestion anormale.

Les dépenses justifiées par des factures détaillées et conservées en cas de contrôle fiscal

Chaque dépense doit être appuyée par une facture claire, précise et nominative, indiquant :

  • La nature de la dépense (produit ou service) ;
  • Le nom et adresse du fournisseur;
  • La date de la transaction;
  • Le montant TTC et HT.

En cas de contrôle fiscal ou URSSAF, ces justificatifs seront examinés. Leur absence peut entraîner une réintégration dans le résultat imposable et potentiellement des pénalités financières. L’Article 286 du CGI impose aux entreprises de conserver ces pièces justificatives pendant 10 ans.

Exemple : Une note de restaurant doit préciser le nom du client invité et le motif professionnel du repas.

Exemples classiques de dépenses autorisées

Quatre exemples de dépenses autorisées :

  1. Les frais de repas avec des clients :
  • Déductibles sous réserve de respecter les conditions d’intérêt professionnel, de gestion normale et d’être justifiés par une facture ;
  • L’administration fiscale tolère généralement les repas d’affaires s’ils visent un objectif professionnel clairement identifiable (BOI-BIC-CHG-10-10-20).
  1. Les abonnements professionnels :
  • Incluent les abonnements à des revues spécialisées, à des plateformes logicielles professionnelles, ou à des outils collaboratifs nécessaires à l’activité ;
  • Ils doivent être directement liés aux besoins de l’entreprise.
  1. Les achat de matériel nécessaire à l’activité :
  • Inclut les ordinateurs, les logiciels, les outils spécifiques à une activité, les fournitures de bureau, etc. ;
  • Les achats de matériel supérieurs à 500 € HT sont généralement considérés comme des investissements et font l’objet d’un amortissement comptable (Article 39-1-2° du CGI).
  1. Les frais de déplacement :
  • Incluent les billets de train, d’avion, les nuits d’hôtel et les frais de transport nécessaires pour des déplacements professionnels ;
  • Les justificatifs doivent mentionner les dates, les motifs et les destinations professionnelles.
frais de restaurant

Les frais de restaurant sont acceptés comme des dépenses légitimes dans certains cas

En cas de non-respect de ces critères : les risques

Il existe de réels risques à ne pas tenir compte de ce qui précède :

  • La réintégration fiscale : Si une dépense est jugée non conforme, son montant est réintégré au bénéfice imposable, augmentant ainsi l’impôt dû ;
  • Les pénalités financières : Les entreprises peuvent encourir des pénalités allant de 20 % à 80 % du montant réintégré en cas d’abus caractérisé (Article 1729 du CGI) ;
  • L’abus de biens sociaux (ABS) : En cas d’utilisation abusive de la trésorerie de l’entreprise pour des dépenses personnelles, le dirigeant risque des sanctions civiles et pénales.

Bonnes pratiques à adopter

  • Toujours demander une facture détaillée et nominative ;
  • Documenter les motifs professionnels des dépenses exceptionnelles ;
  • Adapter les montants des dépenses à la taille et au chiffre d’affaires de l’entreprise ;
  • Éviter les dépenses disproportionnées ou difficilement justifiables.

En respectant ces principes et en vous appuyant sur les articles du Code Général des Impôts et les recommandations de votre expert-comptable, vous garantissez la conformité fiscale de vos dépenses et optimisez vos charges déductibles en toute légalité.

2. Les dépenses interdites par la loi

Le Code Général des Impôts (CGI) interdit formellement certaines catégories de dépenses, quelle que soit leur justification professionnelle ou commerciale. Même si ces frais sont présentés comme utiles pour entretenir des relations d’affaires ou fidéliser une clientèle, ils sont systématiquement exclus des charges déductibles et réintégrés dans le bénéfice imposable. Cette interdiction vise à empêcher les abus et à garantir une utilisation raisonnable et justifiée des ressources de l’entreprise.

Achat ou location de villas d’agrément ou de plaisance

L’article 39-4 du CGI précise explicitement que les dépenses liées à l’achat, la location ou l’entretien de villas, appartements ou résidences de plaisance ne sont pas déductibles fiscalement.
Cela inclut les résidences secondaires luxueuses, les chalets de montagne ou les propriétés balnéaires, même si elles sont utilisées pour accueillir des clients ou des partenaires commerciaux.
Exemple : Une entreprise qui loue une villa sur la Côte d’Azur pour organiser des réunions d’affaires ne pourra pas déduire cette dépense, même avec des factures et une documentation complète.

Dépenses liées à la chasse ou à la pêche

Selon ce même Article 39-4 du CGI, les frais liés à la pratique de la chasse et de la pêche, y compris les licences, les équipements, les séjours en domaine privé ou les frais d’organisation d’événements de chasse, sont exclus des charges déductibles.
L’administration fiscale considère que ces dépenses relèvent davantage du loisir personnel que d’une réelle nécessité professionnelle.
Exemple : Un chef d’entreprise qui organise une chasse privée avec des partenaires commerciaux ne pourra pas justifier cette dépense comme étant engagée dans l’intérêt direct de son activité.

Entretien ou location de yachts ou bateaux de plaisance

Toujours selon l’article 39-4 du CGI, les dépenses liées à l’achat, la location, l’entretien ou l’utilisation de yachts, voiliers ou bateaux de plaisance sont explicitement interdites en déduction fiscale.
Cela s’applique même si ces bateaux sont utilisés pour accueillir des clients ou organiser des événements professionnels en mer.
Exemple : Une entreprise qui loue un yacht pour organiser une réception privée pour ses clients ne pourra pas inclure ces frais dans ses charges déductibles.

Pourquoi ces dépenses sont-elles interdites ?

Plusieurs raisons s’y prêtent :

  • L’absence de lien direct avec l’activité professionnelle : Ces dépenses sont considérées comme ayant une finalité essentiellement récréative ou personnelle, même si elles sont présentées sous un angle commercial ;
  • Le risque d’abus et d’optimisation fiscale excessive : L’administration fiscale surveille particulièrement ces catégories de dépenses en raison de leur potentiel d’abus et d’utilisation détournée des fonds de l’entreprise ;
  • L’injustice fiscale : L’interdiction vise à assurer une égalité de traitement entre les entreprises et à éviter que certaines structures n’utilisent ces dépenses pour réduire artificiellement leur bénéfice imposable.

Les conséquences en cas de non-respect de ces règles

Là encore, des conséquences lourdes peuvent subvenir :

  • La réintégration au bénéfice imposable : Les montants correspondant à ces dépenses interdites seront réintégrés dans le résultat fiscal de l’entreprise, augmentant ainsi son impôt sur les sociétés ;
  • Les pénalités fiscales : Une majoration pouvant aller jusqu’à 80 % du montant de la dépense réintégrée peut être appliquée en cas d’abus manifeste (Article 1729 du CGI) ;
  • Un risque de redressement fiscal et d’amendes : Un contrôle fiscal pourrait entraîner des ajustements financiers significatifs et une amende pour non-respect des règles fiscales ;
  • Un risque d’abus de biens sociaux (ABS) : Si les dépenses sont jugées comme ayant servi à l’enrichissement personnel du dirigeant, elles peuvent être requalifiées en abus de biens sociaux, passibles de sanctions civiles et pénales.

Bonnes pratiques pour éviter les erreurs

Songez donc à avoir ces quelques bonnes pratiques :

  • La transparence et la traçabilité : Évitez toute dépense pouvant être perçue comme un loisir personnel déguisé en dépense professionnelle ;
  • La consultation d’un expert-comptable : Avant d’engager une dépense atypique, demandez conseil à un professionnel pour déterminer si elle peut être justifiée ;
  • Une documentation détaillée : Gardez une trace complète des dépenses engagées et assurez-vous qu’elles respectent les critères définis par le CGI.

Ces règles, bien que strictes, garantissent une gestion saine et transparente des finances de l’entreprise et protègent les dirigeants contre les risques de redressement fiscal ou de sanctions plus graves.

dépenses de pêche interdites

Les dépenses de pêche sont interdites

3. Les dépenses fiscalement interdites

Certaines dépenses sont autorisées mais non déductibles fiscalement. Cela signifie que l’entreprise peut les effectuer, mais elles seront réintégrées dans le bénéfice imposable :

  • Partie du coût d’achat d’un véhicule dépassant le plafond fiscal (environ 19 000 €) ;
  • Pénalités de retard de paiement des impôts ou des cotisations sociales ;
  • Achat de terrains et une partie du coût des biens immobiliers.

Il est donc primordial de bien distinguer les dépenses interdites, non déductibles fiscalement et déductibles sous conditions, pour éviter des désagréments avec l’administration fiscale.

Les dépenses mixtes : Entre usage privé et usage professionnel

Certaines dépenses ont une utilité à la fois professionnelle et personnelle. Pour ces dépenses dites « mixtes », un prorata d’utilisation doit être appliqué pour déterminer la partie déductible.

1. Les frais de téléphonie et Internet

  • Téléphone mobile : Jusqu’à 80 % des frais peuvent être déductibles si le même appareil est utilisé pour le travail et le privé ;
  • Internet : De la même manière, un prorata peut être appliqué, généralement jusqu’à 80 % en usage professionnel.

2. Les véhicules professionnels et personnels

  • Si le véhicule appartient à la société : Une partie de l’usage personnel doit être déclarée comme avantage en nature;
  • Si le véhicule est personnel mais utilisé pour l’activité professionnelle : Les indemnités kilométriques peuvent être appliquées pour compenser les frais liés aux déplacements professionnels.

3. Les abonnements à des clubs professionnels

Que ce soit un club sportif, un cercle d’affaires ou un événement culturel, ces dépenses sont déductibles si elles ont un lien direct avec l’activité professionnelle et contribuent à des opportunités commerciales.

4. Les voyages d’affaires

Les frais de déplacement sont déductibles s’ils sont justifiés par un objectif professionnel clair : participation à un salon, rencontre avec des clients ou partenaires. Cependant, si le voyage inclut une dimension privée, seule la partie professionnelle pourra être prise en compte.

Les dépenses surveillées de près par l’administration fiscale

Certaines catégories de dépenses attirent particulièrement l’attention des contrôleurs fiscaux :

  • Frais de voyage dépassant 15 000 € par an.
  • Frais de réception et de restaurant dépassant 6 100 € par an.
  • Cadeaux clients dépassant 3 000 € par an.

Ces montants doivent être clairement détaillés dans le relevé des frais généraux transmis à l’administration fiscale. Tout dépassement déclenche généralement une vérification approfondie.

Investissements vs dépenses courantes : Quelle différence ?

Il est essentiel de différencier une dépense courante d’un investissement.

  • Dépense courante : Déductible à 100 % dès l’année d’engagement ;
  • Investissement : Étalé sur plusieurs années en fonction de sa durée d’utilisation (3, 5, 10, voire 25 ans pour l’immobilier).

Par exemple :

  • Un ordinateur à 400 € peut être qualifié comme une dépense courante ;
  • Une moto à 10 000 € sera considérée comme un investissement amorti sur plusieurs années.

Quelques conseils pour optimiser vos dépenses professionnelles

  • Gardez tous vos justificatifs de dépenses ;
  • Posez-vous toujours la question : cette dépense contribue-t-elle directement ou indirectement à mon activité ? ;
  • Privilégiez les dépenses clairement justifiées et documentées ;
  • Utilisez un compte bancaire professionnel dédié ;
  • Soyez clair sur votre tolérance au risque : respect scrupuleux des règles ou prise de risques calculés.

En respectant ces conseils et en travaillant avec un expert-comptable compétent, vous optimiserez vos charges déductibles tout en minimisant les risques de redressement fiscal.

Pour conclure, en tant qu’entrepreneur, dépenser intelligemment via votre société est une stratégie fiscale et financière très avantageuse, mais elle nécessite rigueur et transparence. Restez organisé, gardez vos justificatifs et consultez régulièrement un professionnel pour ajuster votre stratégie.

P.R.

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