Qu’est-ce que le chiffrement de bout en bout ?

Le chiffrement de bout en bout (en anglais, End-to-End Encryption, E2EE) est un système de communication dans lequel seuls les participants à l’échange peuvent lire les messages. Ce type de chiffrement empêche toute écoute électronique ou tentative de surveillance, que ce soit par des fournisseurs de télécommunications, des services de messagerie, des fournisseurs d’accès à Internet, ou même les prestataires de services de communication eux-mêmes. Le chiffrement de bout en bout est ainsi conçu pour garantir une confidentialité totale, de l’émetteur au récepteur, on l’utilise à beaucoup de titres, y compris pour la gestion de mots de passe.

Comment fonctionne le chiffrement de bout en bout ?

Dans le chiffrement de bout en bout, les messages sont chiffrés sur l’appareil de l’expéditeur et ne sont déchiffrés que sur l’appareil du destinataire. Ce processus implique que les clés de chiffrement, nécessaires pour déchiffrer les messages, ne sont connues que des parties directement impliquées dans la communication. Même les services intermédiaires, tels que les serveurs de messagerie, ne peuvent pas accéder à ces clés, assurant ainsi la confidentialité du contenu échangé.

Pour établir ce chiffrement, deux approches sont généralement utilisées :

  • Le secret partagé est une méthode de chiffrement où les parties concernées conviennent à l’avance d’un « secret partagé », généralement sous la forme d’une clé de chiffrement, qu’elles utiliseront pour sécuriser leurs communications. Cette clé, qui doit rester strictement confidentielle, sert à chiffrer et à déchiffrer les messages échangés entre les deux parties. L’un des protocoles les plus connus reposant sur ce principe est PGP (Pretty Good Privacy, voir notre sujet sur la sécurités des données dans le cloud), qui utilise des techniques de chiffrement asymétrique pour sécuriser les données. Le succès de cette méthode dépend en grande partie de la manière dont la clé est partagée et stockée : si le « secret partagé » est intercepté ou compromis, la sécurité de l’ensemble des communications chiffrées est menacée. C’est pourquoi la transmission initiale de la clé doit se faire par un canal sécurisé, et son stockage doit être protégé contre les attaques et les accès non autorisés ;
  • L’échange de clés, en revanche, utilise des protocoles comme Diffie-Hellman pour permettre aux parties de générer et d’échanger des clés de chiffrement de manière sécurisée au moment de la communication. Contrairement au secret partagé, cette méthode ne nécessite pas de transmettre une clé de chiffrement à l’avance. Au lieu de cela, les parties impliquées génèrent une clé secrète commune pendant l’échange, ce qui renforce la sécurité du processus. Cette clé est ensuite utilisée uniquement pour la durée de la session de communication, ce qui signifie qu’à chaque nouvel échange, une nouvelle clé est générée. Cette approche rend l’interception beaucoup plus difficile pour les attaquants, car même s’ils parviennent à accéder à une clé de session, celle-ci deviendra rapidement obsolète. L’échange de clés est donc un élément utile pour garantir un niveau de sécurité élevé dans les communications chiffrées, notamment dans des environnements où l’échange d’une clé secrète à l’avance n’est pas pratique ou sécuritaire.

L’usage moderne du chiffrement de bout en bout

De nos jours, le chiffrement de bout en bout est largement utilisé pour protéger différents types de communications. Voici quelques exemples d’applications :

  • Dans la messagerie instantanée, des applications comme Signal, WhatsApp, iMessage et Threema utilisent le chiffrement de bout en bout pour garantir la confidentialité des messages échangés. Lorsqu’un utilisateur envoie un message, celui-ci est chiffré localement sur l’appareil de l’expéditeur avant d’être transmis au destinataire. Ce message reste chiffré tout au long de son trajet, même lorsqu’il transite par des serveurs intermédiaires, et n’est déchiffré que lorsqu’il atteint le dispositif du destinataire. Cela signifie qu’aucun tiers, y compris les fournisseurs de services eux-mêmes, ne peut accéder au contenu des communications. Cette méthode est essentielle pour protéger la vie privée des utilisateurs, particulièrement dans des environnements professionnels où les échanges contiennent souvent des informations sensibles, telles que des mots de passe, des données financières, ou des documents confidentiels ;
  • Pour le courrier électronique, des services comme ProtonMail et Mailfence intègrent également des systèmes de chiffrement de bout en bout pour sécuriser les e-mails. Dans ce cas, les courriels sont chiffrés dès leur création sur l’appareil de l’expéditeur, puis transmis sous une forme chiffrée au destinataire. Seul ce dernier possède la clé de déchiffrement nécessaire pour lire le contenu du message. Cette méthode protège les e-mails contre les interceptions, même s’ils sont stockés sur des serveurs ou transitent par des réseaux externes. Dans un contexte d’entreprise, ce niveau de sécurité est particulièrement nécessaire pour échanger des informations sensibles, telles que des identifiants de connexion, des stratégies commerciales ou des rapports financiers, sans craindre qu’ils ne tombent entre de mauvaises mains. De plus, les gestionnaires de mots de passe en entreprise peuvent tirer parti du chiffrement des e-mails pour partager de manière sécurisée les informations d’authentification entre les membres d’une équipe, en veillant à ce que seules les personnes autorisées puissent accéder aux données partagées ;
  • Dans la téléphonie et la visiophonie, le chiffrement de bout en bout est utilisé par des services comme FaceTime, Google Duo et Jitsi pour protéger les conversations vocales et vidéo. Chaque appel est chiffré sur l’appareil de l’utilisateur avant d’être transmis, garantissant que personne, y compris les opérateurs de réseau ou les fournisseurs de services, ne peut écouter ou enregistrer les discussions. Dans le cadre professionnel, cette technologie est essentielle pour sécuriser les réunions à distance, les entretiens confidentiels et les discussions stratégiques. Les entreprises peuvent ainsi partager des informations sensibles sans craindre les risques d’écoute ou d’interception par des tiers. De plus, la gestion des mots de passe dans les entreprises peut être renforcée en utilisant ces plateformes chiffrées pour discuter des protocoles de sécurité, des mises à jour de logiciels, ou des méthodes de partage d’accès aux systèmes internes, garantissant ainsi une approche globale de la sécurité des communications.

Malgré sa popularité, le chiffrement de bout en bout n’est pas universellement implémenté par défaut. Par exemple, certains services de messagerie, tels que Telegram, offrent le chiffrement de bout en bout uniquement en mode « conversation secrète » et non pour toutes les discussions. Cette absence de chiffrement généralisé expose les communications aux risques d’interception et de surveillance.

La question du chiffrement de bout en bout sur Telegram

La question du chiffrement de bout en bout sur Telegram

Les défis du chiffrement de bout en bout

Bien que le chiffrement de bout en bout améliore considérablement la sécurité des communications, il n’est pas exempt de défis et de vulnérabilités potentielles :

1. L’attaque de l’homme du milieu (Man-in-the-Middle)

L’une des attaques les plus redoutées contre le chiffrement de bout en bout est l’attaque de l’homme du milieu. Dans ce scénario, un attaquant intercepte la communication et se fait passer pour le destinataire lors de l’échange de clés. Si l’attaquant parvient à tromper l’émetteur et le récepteur, il peut déchiffrer, lire, modifier les messages, puis les rechiffrer et les envoyer sans que les parties en communication ne s’en aperçoivent.

Pour se prémunir contre ce type d’attaque, les protocoles de chiffrement de bout en bout intègrent souvent une forme d’authentification, telle qu’une vérification de l’empreinte numérique des clés publiques des utilisateurs. Cette empreinte numérique, qui doit être comparée via un autre canal de communication fiable, permet de s’assurer que les clés de chiffrement n’ont pas été altérées par un tiers.

2. La sécurité des terminaux

Le chiffrement de bout en bout protège les messages pendant leur transit, mais ne garantit pas la sécurité des appareils de l’émetteur et du récepteur. Si le terminal d’un utilisateur est compromis (par exemple, par un logiciel malveillant), un attaquant peut accéder aux messages une fois qu’ils sont déchiffrés. Ainsi, même avec le chiffrement le plus robuste, la sécurité globale dépend également de la sécurité des dispositifs aux extrémités de la communication.

3. Les risques de portes dérobées (backdoors)

Certains gouvernements et organisations peuvent exiger l’intégration de portes dérobées dans les systèmes de chiffrement, sous prétexte de sécurité nationale ou d’investigations criminelles. Ces « backdoors » permettent à des tiers autorisés d’accéder aux messages chiffrés, mais elles affaiblissent fondamentalement la sécurité du chiffrement de bout en bout. Si une porte dérobée est découverte ou exploitée par des cybercriminels, elle pourrait compromettre la confidentialité de l’ensemble des communications, possiblement il est vrai pour faire aussi de l’intelligence économique.

Pour conclure : Les controverses autour du chiffrement de bout en bout

Pour conclure, il est important de noter que le chiffrement de bout en bout reste au cœur de nombreuses controverses, car il soulève des questions complexes liées à l’équilibre entre la protection de la vie privée et la sécurité publique. D’un côté, les défenseurs des droits de l’homme et de la vie privée considèrent le chiffrement de bout en bout comme un rempart essentiel contre la surveillance de masse, la censure, et les violations des droits individuels. Ils soutiennent que les individus et les organisations ont le droit de communiquer de manière confidentielle, sans crainte d’une écoute ou d’une interception par des tiers, y compris les gouvernements. Dans un monde où les cyberattaques, l’espionnage industriel et les atteintes à la vie privée sont en constante augmentation, le chiffrement de bout en bout est perçu comme une garantie fondamentale de la liberté d’expression et de la confidentialité des échanges.

D’un autre côté, de nombreux gouvernements et agences de sécurité soutiennent que le chiffrement de bout en bout peut représenter un obstacle majeur dans les enquêtes criminelles et la lutte contre le terrorisme. Ils affirment que les communications chiffrées sont parfois utilisées par des criminels et des organisations terroristes pour planifier des activités illicites, échappant ainsi à la surveillance des autorités. C’est pourquoi certains gouvernements font pression sur les entreprises technologiques pour obtenir des « portes dérobées » dans les systèmes de chiffrement. Ces backdoors permettraient aux forces de l’ordre d’accéder aux communications chiffrées lorsqu’elles enquêtent sur des activités criminelles. Cependant, les experts en sécurité informatique mettent en garde contre cette approche, arguant qu’une porte dérobée affaiblit nécessairement l’ensemble du système de chiffrement, créant des vulnérabilités que des acteurs malveillants pourraient exploiter. Ainsi, le risque de créer des failles de sécurité dans les systèmes chiffrés pourrait entraîner des conséquences plus graves que les bénéfices supposés pour la sécurité publique.

De plus, certains services de messagerie tels que Telegram ont été au centre de polémiques pour avoir refusé de fournir les clés de déchiffrement aux gouvernements qui en font la demande. Des pays comme la Russie, la Chine ou l’Iran ont critiqué cette position, avançant que ces plateformes peuvent servir de refuge pour des activités illégales, notamment le terrorisme et le trafic de drogue. En réponse, des restrictions ou des blocages de ces services ont parfois été imposés par les autorités. Cependant, ces actions ont également soulevé des inquiétudes quant à la censure et aux atteintes à la liberté d’expression, car le chiffrement de bout en bout est aussi un outil fondamental pour les journalistes, les militants des droits de l’homme et les dissidents politiques dans les pays où la liberté d’expression est limitée. Ce débat entre sécurité nationale et liberté individuelle reste vif, reflétant la complexité et l’importance de la question du chiffrement de bout en bout dans notre société connectée.

R.C.

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