Une augmentation exceptionnelle du bénéfice survient lorsqu’une entreprise réalise un résultat financier supérieur aux attentes habituelles ou historiques, ce qui amène à repenser les mécanismes de partage de la valeur avec les salariés. En France, la loi n°2023-1107 du 29 novembre 2023 impose de nouvelles obligations pour encourager les entreprises à partager ces profits exceptionnels avec leurs employés. Ce cadre juridique s’applique aux entreprises de plus de 50 salariés, dotées d’un accord de participation ou d’intéressement, et disposant d’un délégué syndical. L’objectif de cette loi est de garantir une meilleure redistribution des gains dans les entreprises qui ont atteint un seuil de rentabilité supérieur aux standards habituels. Elle oblige les employeurs à entamer une négociation sur le partage de la valeur avant le 30 juin 2024. Cette négociation doit définir ce qui constitue une « augmentation exceptionnelle du bénéfice », en prenant en compte des critères comme la taille de l’entreprise, les bénéfices passés, les rachats d’actions, et des événements externes inhabituels ayant influencé les résultats.
Pourquoi cette mesure est-elle importante pour les entreprises ?
La mise en place de cette mesure est intéressante pour les entreprises car elle vise à répondre à des situations de profit exceptionnel qui, bien que bénéfiques pour l’entreprise, peuvent soulever des questions d’équité. Dans des secteurs tels que l’énergie ou le transport, certaines entreprises ont profité de circonstances économiques favorables ou d’événements spécifiques pour réaliser des bénéfices extraordinaires, parfois sans que cela soit directement lié à une amélioration des performances internes. Par exemple, dans le secteur de l’énergie, la volatilité des prix a permis à certains groupes de réaliser des marges historiques, tandis que d’autres secteurs, tels que l’industrie ou les services, ont continué à souffrir de la crise. Cette inégalité a mis en lumière la nécessité de mieux redistribuer les gains au sein des entreprises, d’où la réforme légale visant à encourager un partage plus équitable des richesses créées.
La loi prend en compte des critères précis pour définir ce qu’est une augmentation exceptionnelle du bénéfice, reconnaissant que certaines hausses de profit ne correspondent pas à un niveau de performance ordinaire. Un cadre de référence, basé sur l’historique des résultats financiers, est donc indispensable pour déterminer à quel moment une entreprise doit envisager de redistribuer davantage de valeur à ses salariés. Prenons l’exemple d’une entreprise dont les bénéfices ont varié de 5 à 10 % sur plusieurs années : une hausse de 20 % ou plus pourrait être considérée comme exceptionnelle, nécessitant un dialogue social pour mettre en place un partage de ce bénéfice tout en respectant les règles de réserve légale. Ce cadre est conçu pour éviter que des hausses ponctuelles, dues à des facteurs exogènes, ne conduisent à une concentration excessive des gains entre les mains des actionnaires ou des dirigeants .
Par ailleurs, cette mesure permet de renforcer la stabilité sociale au sein des entreprises en favorisant une plus grande transparence et en alignant les intérêts des employés avec ceux des dirigeants. Des études montrent que lorsque les salariés se sentent inclus dans la répartition des profits, la motivation et la productivité augmentent. La mise en œuvre d’un mécanisme de partage de la valeur, basé sur une hausse exceptionnelle des bénéfices, peut donc jouer un rôle clé dans l’amélioration du climat social et la réduction du turnover au sein des entreprises . En conclusion, cette mesure ne se limite pas à corriger une inégalité économique, mais participe à une gestion plus équilibrée des ressources humaines en valorisant les contributions de chacun.
Comment définir le partage de la valeur du bénéfice de l’entreprise ?
Lorsqu’une augmentation exceptionnelle du bénéfice est identifiée, la négociation suivante porte sur les modalités de partage de la valeur entre l’entreprise et ses salariés. Les possibilités sont variées, et le législateur laisse une certaine flexibilité aux entreprises pour décider de la meilleure manière de redistribuer cette valeur. Par exemple, l’une des options les plus courantes est le versement d’une prime exceptionnelle. Celle-ci peut être intégrée à un plan d’épargne salariale comme un Plan d’Épargne Entreprise (PEE) ou un Plan d’Épargne pour la Retraite Collectif (PERCO) (voir aussi notre article sur comment préparer sa retraite), ce qui permet aux salariés de bénéficier d’un avantage fiscal tout en renforçant leur épargne. Dans d’autres cas, l’entreprise peut choisir de verser directement cette prime, ce qui offre un bénéfice immédiat aux salariés. A partir du 1er janvier 2025, il est même possible pour les entreprises de verser deux primes de partage de la valeur dans la même année, avec des plafonds de 3 000 € ou 6 000 € par salarié, selon l’existence ou non d’un dispositif d’intéressement ou de participation.
Prenons un exemple concret : une entreprise dans le secteur du transport réalise une augmentation exceptionnelle de ses bénéfices après une année de hausse des prix du carburant, qui a eu un impact positif sur ses marges. Dans ce cas, elle peut décider de négocier avec les représentants du personnel pour verser une prime exceptionnelle. Si l’entreprise a déjà un accord d’intéressement en place, elle pourrait opter pour le plafond de 6 000 € par salarié. L’avantage de ce mécanisme est double : les salariés reçoivent une récompense directe pour leur contribution au succès de l’entreprise, et l’entreprise bénéficie d’une amélioration du climat social grâce à une redistribution équitable des gains.
Cependant, il est important de noter que cette négociation ne constitue pas une obligation de conclure un accord formel. Cela signifie que si les deux parties ne parviennent pas à s’entendre sur les modalités exactes du partage, l’employeur n’est pas tenu de verser une prime. Toutefois, l’engagement dans ce dialogue social peut contribuer à renforcer la confiance entre l’entreprise et ses salariés, en montrant une volonté de transparence et de reconnaissance. Même si la négociation n’aboutit pas, la simple démarche d’ouverture et d’échange permet souvent d’améliorer les relations internes et de prévenir des conflits potentiels.
Quelles perspectives pour les entreprises ?
Les entreprises qui ne remplissent pas les conditions légales pour être obligées de mener cette négociation peuvent néanmoins trouver dans cette réforme une opportunité stratégique. En offrant une prime exceptionnelle à leurs employés ou en investissant dans des dispositifs d’épargne salariale, elles peuvent renforcer la motivation et l’engagement des équipes, tout en alignant les intérêts des salariés avec la performance de l’entreprise. Des dispositifs comme le plan de partage de la valorisation de l’entreprise permettent également de distribuer une prime basée sur la valorisation de l’entreprise sur trois ans.
Cette nouvelle législation s’inscrit dans une démarche plus large de partage de la valeur du bénéfice au sein des entreprises, contribuant à équilibrer la redistribution des gains entre les actionnaires et les employés. Pour les entreprises, cela représente à la fois un défi organisationnel et une opportunité d’améliorer la satisfaction des salariés, de réduire le turnover et de renforcer l’attractivité sur le marché du travail.
Ainsi donc, les augmentations exceptionnelles des bénéfices offrent aux entreprises une occasion unique de partager leur succès avec leurs employés. Bien que cette obligation légale ne concerne qu’un nombre limité d’entreprises, elle souligne l’importance croissante du partage de la valeur dans le paysage économique actuel, une démarche bénéfique pour les salariés, mais aussi pour l’entreprise elle-même en termes de productivité et de fidélisation des talents.
D.A.